Petit bonheur numéro trois cent cinquante cinq : le calendrier des PTT

Ce petit bonheur là hésite entre les chatons et les montagnes.

Ca commence par un coup de sonnette. Derrière la porte, la factrice attend avec une collection de calendrier à faire pâlir un inquiet du temps qui passe.

Mademoiselle ouvre la porte en pyjama. Elle a encore une tartine à la main et sa tête des grasses mat’ du weekend. Alors, le temps de choisir le calendrier qui ornera le meuble au dessus du téléphone, elle sert un mug de café à la factrice.

Monsieur va chercher dans la boîte à « au cas où » un billet de 5.

Les filles papotent, dissertent sur les photos du calendrier, le contenu des pages « pratiques », la carte du département…

Les petits chats ne plaisent pas à Mademoiselle. Les animaux de la montagne séduiraient bien Monsieur mais Mademoiselle réclame les paysages de bords de mer. Monsieur lui rappelle que l’an passé, c’est elle qui a choisi. Et qu’il lui laissera choisir le calendrier des pompiers.

Mademoiselle laisse donc Monsieur accrocher les animaux de la montagne au mur et paie la factrice. Tout à l’heure se sera le tour des pompiers. Et demain, celui du club de foot. Ou de rugby. Ou de basket. Et aussi celui des éboueurs. De quoi noter toutes les dates de toutes les fêtes, des rappel d’impôts et aussi des anniversaires. De quoi noter tous les vrais petits bonheurs.

Petit bonheur numéro trois cent cinquante quatre : l’odeur du sapin de Noël

Ce petit bonheur là chatouille les aiguilles…

Le sacrilège serait de mettre un arbre en plastique. Un de ces trucs plus ou moins poussiéreux qu’on sort du carton puis du sac en plastique et qu’on déplie patiemment. Une branche après l’autre.

Certains hurlent déjà que c’est plus prudent, ca flambe moins vite, et que ça sauve la planète. Mais est ce la vérité ?

Et puis ça perd pas ses aiguilles.

Qu’importe s’il faut passer le balais. Qu’importe s’il faut replanter l’arbre au fond du jardin ou bien le faire broyer sur la place du village pour mettre ensuite dans le jardin.

Le sapin trône magnifique dans le salon. Il brille de toutes ses forces, au beau milieu d’un joli capharnaüm de cartons, de guirlandes, de boules dans leur papier protecteur, de santons et de figurines faites main.

Il s’habille pour la fête sur fond de chants de Noël crachotés par les baffles. Ca chahute, ça rigole, ça hésite à déjà y déposer des chaussures en dessous.

Et puis surtout, ça sent bon. Ca sent l’herbe et les forêts, ça sent les sentiers humides et le grand air.

Ca sent Noël. Et c’est un vrai petit bonheur.

Petit bonheur numéro trois cent cinquante trois : faire des alexandrins

Ce petit bonheur là compte mieux sur ses doigts…

Les doux alexandrins sont une magie des mots

Ils caressent l’oreille et dansent sur la langue

Ils jouent dans les lignes, funambules en fuseau

Sur la mer des phrases ils naviguent et tanguent

Il y a les vers célèbres, ceux appris à l’école

« Jamais une erreur les mots ne mentent pas »

D’Eluard à Rimbaut, de Corbière à Turold

De chansons en tableau, les phrases au bout des doigts

De ses rêves construits, façonnés au crayon

Parfois une strophe, parfois une pièce

Un drame, une comédie, un jour fable ou chanson

L’alexandrin charpente, les mots sont sans faiblesse.

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire »

Le sens dans les mots, le sens dans l’oreille

Tandis que le verbe rit, que le verbe veut dire

Le bruit l’accompagne, il n’a pas son pareil

Le petit bonheur s’amuse de ce jeu

Il n’y excelle pas mais il sait en jouir

Parce qu’au delà des lignes, les mots rendent heureux

Ce petit bonheur là ne cesse de le dire.

Petit bonheur numéro trois cent cinquante deux : manger le crouton du pain

Ce petit bonheur là joue les souris.

C’est un réflexe. C’est une envie irrépressible -alors pourquoi la réprimer ? – à peine sortie de la boulangerie. Surtout quand le pain est chaud. Quand il sent bon la mie tiède et la croute craquante.

On attend tout de même d’avoir payer, que la boulangère ait emballé le pain dans son papier. Puis on passe la porte, on écoute le carillon tinter au loin. La marche. Le coin de la rue. Et hop. La baguette est entamée. Impossible de cacher le méfait. Alors, quitte à se faire prendre, on savoure ce petit talon, ce petit bout de paradis moelleux qui fond dans la bouche.

Un vrai petit bonheur.

Petit bonheur numéro trois cent cinquante et un : imprimer des photos

Ce petit bonheur là fait un peu le bilan de l’année.

C’est le rituel de la fin d’année. Quelques jours avant le fatidique 31, Monsieur et Mademoiselle refont un tour d’horizon des beaux moments de l’année. Sur leur disque dur, un an de photos.

Noël l’an dernier. Le premier janvier 2013. Le weekend à la mer. Les anniversaires. Celui de Monsieur. Celui de Mademoiselle. La fête surprise du frère de Mademoiselle. Le repas de famille. Le grand pique nique entre cousins. Le voyage loin, très loin. Le château visité un jour d’automne. Les amis. La fête de l’école de Charlotte.

Les visages des uns, les visages des autres. Les paysages d’un bout à l’autre de l’année. La neige, le printemps, la maison cet été. Il y a aussi les photos à deux. Monsieur et Mademoiselle, main dans la main. Monsieur et Mademoiselle, regards complices. Les sourires attrapés au hasard des flashs. A l’arrière plan, un cousin a le doigt dans le nez. A l’arrière plan, Mamie grimace. A l’arrière plan, Monsieur semble dormir sur la chaise et Mademoiselle baille aux corneilles.

Le choix est cornélien. Le tri sélectif. Les photos les plus jolies, les photos les plus marquantes, les plus drôles aussi, filent vers le dossier impression. Les autres restent dans leur ordre, classées dans un dossier, au fond d’un ordinateur.

Dans quelques semaines, dans quelques jours, elles arriveront dans un joli carton. Il ne restera qu’à les mettre dans un bel album, estampillé 2013. Un vrai petit bonheur.

Petit bonheur numéro trois cent cinquante : tricoter

Ce petit bonheur s’entraine, au cas où…

On a toujours une bonne raison de se mettre au tricot. Une soeur qui réclame un pull. Un bonnet pour l’hiver. Une écharpe fabriquée de nos petites mimines…

Mademoiselle a appris à tricoter enfant. Depuis, elle ne touche plus les aiguilles. Mais, il y a quelques semaines, elle a eu envie, soudain. Elle ne sait plus monter une maille, ni même faire un rang en point mousse.

« Si on essaie pas, on sait pas »

Alors Mademoiselle a essayé. Elle a filé au magasin, acheter des aiguilles et des pelotes. Elle a acheté aussi le catalogue débutant. Au hasard, elle a tourné les pages.

Et puis elle a vu. Un petit mouton tout blanc, tout frisé. Et dans le petit mouton, un petit sourire, deux belles joues à croquer. Mademoiselle a  tout de suite su.

Une maille en avant. Puis une autre. Puis un rang. L’autre à l’envers.

Cette gigoteuse, ce sera pour le bébé d’une copine. Ou peut être pour Mademoiselle, un jour. Qui sait. Un vrai bonheur.

Petit bonheur numéro trois cent quarante neuf : une cocotte en papier

Ce petit bonheur là plie et replie sans succès.

Jamais Mademoiselle n’a été douée de ses dix doigts. Elle ne sait ni clouer une planche ni coller des journaux pour faire un masque en papier. Elle ne sait pas coudre, à peine sait elle repriser. Elle ne sait pas peindre. Ni même dessiner.

Alors l’origami… Vous pensez…

Pourtant, Mademoiselle a décidé de ne pas mourir idiote. Elle a cherché sur internet -parce qu’on trouve décidément de tout sur internet- un tutorat. Elle a trouvé le tutorat pour se faire des tresses. Le tutorat pour se faire une jupe. Le tutorat pour apprendre la guitare et celui pour apprendre le chinois. Et puis le tutorat pour faire une cocotte en papier.

D’abord, prendre une feuille. Puis plier. Dans un sens. Dans l’autre. A l’angle. Aux deux tiers. Aux trois quarts. Aux côté gauche. Tourner la feuille.

A l’étape 17, Mademoiselle se dit que c’est quand même bien compliqué.

A l’étape 20, sur la vidéo, le spécialiste origami brandit une magnifique cocotte en papier. Mademoiselle regarde devant elle un pliage qui ne ressemble pas à grand chose. Vaguement, peut être, en fermant un oeil, une fleur de lotus passée sous un camion.

On recommence.

D’abord, prendre une feuille. Puis plier. Dans un sens. Dans l’autre. A l’angle. Aux deux tiers. Aux trois quarts. Aux côté gauche. Tourner la feuille.

A l’étape 17, ça a l’air mieux engagé.

A l’étape 20, on y est presque. La feuille ressemble à un oeuf de caille. C’est déjà la bonne voie…

On recommence.

D’abord, prendre une feuille. Puis plier. Dans un sens. Dans l’autre. A l’angle. Aux deux tiers. Aux trois quarts. Aux côté gauche. Tourner la feuille.

A l’étape 17, l’élève égale le maître.

A l’étape 20, victoire.

Ce petit bonheur nous enseigne donc :

1) qu’il ne faut jamais se décourager.

2) que Mademoiselle a bien du temps à perdre.

3) Que le petit bonheur, c’est parfois incongru et loin d’être gagné d’avance.

 

Petit bonheur trois cent quarante huit : surprendre son amoureux

Ce petit bonheur là cherche toujours une nouvelle façon de surprendre.

Surprendre, parfois, c’est un mot. C’est une attention glisser dans une phrase, une expression qui colore différemment un quotidien.

Surprendre, parfois, c’est une idée que l’on a, que l’on met en oeuvre en douce, que l’on ourdit secrètement pendant plusieurs semaines et qu’on finit par accomplir dans un feu d’artifice.

Surprendre, c’est un exercice. Sans contrainte, sans peine, sans douleur. C’est une gymnastique pour mieux vivre, mieux aimer.

C’est une enveloppe sous l’oreiller, un petit paquet sous la serviette de table, une fleur dans le vase au diner, le bonnet et les gants sur le radiateur pour que l’Autre n’est pas froid en partant. C’est des petits gestes tous les jours et parfois des plus grands. Une valise toute prête pour un weekend à deux. Une boîte de chocolat. Un gâteau pour le dessert. Son plat préféré pour le diner. Un bouquet de fleurs. Des tous petits riens. Mais c’est beaucoup. C’est du sel dans la pâte à croissant. Sans cela, le croissant ne serait pas mauvais. Mais il ne serait pas aussi bon.

La vie à deux, c’est pas seulement s’aimer. C’est avoir envie de garder cet amour. Pas intact. La peau vieillit, la peau s’use. Mais la peau reste la peau, est ridée, riche de ses expériences et de ses bonheurs. L’Amour reste l’amour. Mais il vieillit, riche de la tendresse et de la surprise.

Surprendre, c’est aimer aujourd’hui et aimer demain. C’est un vrai bonheur.

Petit bonheur numéro trois cent quarante sept : mettre du lait au chat

Ce petit bonheur là se demande encore comment un chat lape.

Il est arrivé on ne sait d’où. Un matin, en ouvrant les volets, Monsieur a découvert la petite boule de poils derrière la jardinière vide. Il a laissé entrer le petit animal dans la cuisine. Il s’est laissé suivre , l’appelant accroupie. Quand Mademoiselle est descendue, les cheveux encore humide et le pull tout juste repassé. Mademoiselle est surprise.

« Mais, c’est qui lui?

« Il était derrière la jardinière. Il a sauté dans la maison comme ça. On le garde ? 

« Ben, on sait pas à qui il est…

« C’est pas grave, il viendra quand il veut. On lui donne un nom? 

Mademoiselle prépare le café en allumant la radio. Le petit chat se frotte aux jambes et miaule faiblement. Mademoiselle regarde la petite bête rousse et son petit bout de queue tout blanc.

« Dis, ton chat il aurait pas un peu faim? 

Monsieur verse du lait dans une petite soucoupe et la pose au sol.

Les deux se penche au dessus de la petite soucoupe. Le chat s’approche, renifle et se met à laper tranquillement le lait.

« C’est la saint quoi aujourd’hui? 

« Je sais pas. »

Monsieur regarde sur le calendrier.

« Sainte Lucie. Lucie… Lumière… Regarde avec sa petite queue blanche, c’est comme une loupiote. On pourrait l’appeler Luciole »

Mademoiselle hausse les épaules, très moyennement convaincue.

« Et lulu ? C’est bien Lulu non? « 

Mademoiselle se penche sur le petit chat qui s’essuie les moustaches sur le pantalon de Monsieur. Il lui remet un peu de lait et une noisette de beurre.

« Va pour Lulu. »

Un vrai petit bonheur.

 

 

 

 

 

Petit bonheur numéro trois cent quarante six : jouer à saute mouton

Ce petit bonheur là se dit que vraiment, Monsieur a de grandes jambes…

Tout commence par un pari un peu idiot.

« Tu jouais à quoi gamine ? 

« Je sais pas. Cache-cache. Saute mouton »

« Oh, tiens, moi aussi ! On tente ? « 

Monsieur se penche. Mademoiselle hésite. 

« Ben quoi ? 

« Ben à l’époque, mes camarades de jeu ne faisaient pas 30 cm de plus que moi… »

« Rho… Chochotte »

Mademoiselle n’aime pas qu’on la traite de chochotte.

« Penche toi et tais toi! »

Mademoiselle prend son élan. Monsieur se penche à côté du matelas. Mademoiselle négocie pour qu’il se penche davantage. Il plie un peu plus les genoux.

Mademoiselle cette fois n’hésite pas. Elle court sur 4 mètres, mes ses mains l’une sur l’autre, prend appuie sur le dos courbé et laisse ses pieds quitter le sol.

Monsieur en profite pour se relever. Mademoiselle râle, rippe et finit la tête en bas sur le matelas. Monsieur en profite pour une attaque de guilli et coince Mademoiselle dans la couette. Elle hurle, se débat, en rajoute et Monsieur la couvre de baisers tandis qu’elle cherche prise pour le chatouiller à son tour. Les deux se chamaillent, les deux rient. Les deux s’aiment. Un vrai petit bonheur.