Petit bonheur numéro trois cent soixante quatre : un verre de bon vin

Ce petit bonheur là apprend à déguster.

Elle a vieilli longtemps, au frais, dans sa tanière sous la maison. A portée de main, dans les abimes de pierres, entre deux autres soeurs, dans l’air enfermé et la lumière de sous la terre.

Un peu éblouie, elle est arrivée sur la table, encore dans son habit de poussière, le teint voilée de particules fines. Dans sa robe, les tanins dansaient déjà.

On l’a débouchée, puis on l’a laissé s’aérer.

Ensuite, quand tout le monde a été installé autour de la table, on a versé doucement le contenu dans les jolis verres, ceux avec de grands pieds et de gros ventres.

Le vin, dans sa prison de verre, a laissé soudain filtrer la lumière. L’épaisseur du trait s’est dessiné le long du cristal. Les tanins en suspension ont commencé à flotter puis, à toucher le fond.

Les mains font danser les verres, dans un geste savant du poignet. Les yeux cherchent à percer le secret de la couleur, ambre ou cuivre, ocre ou lie. Les lèvres s’entrouvrent. Une seule gorgée suffit. Le palais reçoit. C’est fort d’abord, puis rond ensuite. Les arômes accrochent les papilles. Le catalogue des saveurs est ouvert et chacun y va de son commentaire. L’un perçoit de la mûre. L’autre du miel. Un troisième une légère amertume. Un autre une pointe douce d’acacia.

Les nez respirent le fruit de la vigne. La terre et les hommes. Le liège et les caves. Les tonneaux et les nuits d’hiver au frais. Le vin se laisse domestiquer, mais jamais tout à fait. Il reste ce côté sauvage au fond de la gorge, indomptable. Imprenable.

Pas besoin d’y revenir. Pas besoin d’un grand verre. Une lampée suffit à partager. A découvrir. Un vrai petit bonheur.

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